Retour sur mon parcours de salarié, d’auto entrepreneur et d’autodidacte

Ce billet est une rétrospective anniversaire, un bilan, un témoignage qui peut éventuellement servir à d’autres autodidactes. Avant toute autre chose je souhaite préciser que j’ai eu de la chance et que j’en suis conscient. Je souhaite à tous ceux qui se lancent d’avoir la force nécessaire pour continuer quand on doute, je leur souhaite également de rencontrer les bonnes personnes pour avoir ce soutien nécessaire permettant de retrouver l’énergie dans les moments ou l’on est prêt à abandonner. Pour celles et ceux qui se lancent, qui arrivent sur le marché et qui comme moi sont autodidactes, sachez que malgré un enchevêtrement de techniques et un paysage de technologies de plus en plus vaste et complexe à appréhender, nous n’avons jamais été aussi libres de pouvoir apprendre par nous-mêmes. Tout est disponible en ligne sur plus ou moins tous les sujets. Beaucoup de mes contacts graphistes ou designers avec bien plus de talent ont abandonné faute de clients ou de manque de ténacité. Alors si ça peut aider ou inspirer voilà mon humble et tortueux cheminement durant ces 20 premières années.


Mauvais départ

De 1996 à 2016, 20 ans de design, 20 ans de réussites de tentatives et d’échecs ! C’est l’occasion de faire un peu le point sur cette ‘’carrière’’ (ce que je ne pensais même pas dire un jour). En réalité 20 ans ce n’est pas tout à fait exact, car de 1996 à 1999, sont des années de projets personnels pour la famille ou les amis, réalisés avec pour principal but mon autoformation. Autoformation que j’ai commencée en quittant l’école. En cause ? Mon attitude et mes résultats, mais également une envie de faire les choses par moi-même et de prendre mon indépendance. Mes parents ont eu la bienveillance de me suivre et de me comprendre, à la condition d’avoir un job et de me confronter à la réalité. À 16 ans un apprentissage dans le bâtiment et un crédit (de 37 000 francs, oui des francs) pour du matériel informatique payé en deux ans par cette source de revenus étaient donc mes nouvelles responsabilités. Je ne savais pas si j’allais pouvoir renverser la situation et faire de ma passion une source de revenus stables. L’air glacé du travail sur les chantiers a définitivement exalté ma motivation à me sortir de là. Mes semaines étaient donc composées de manutention en journée et d’infographie la nuit et les week-ends.

Savoir tout remettre en question !

Même, si je peux dire que j’ai certaines bases et connaissances maintenant, ce métier a de génial, la nécessité de rester actifs et en alerte sur ses mutations, ses nouvelles technologies. C’est un exercice permanent d’observation, et de décomposition des images, des techniques, et des courants esthétiques. Concernant l’esthétique justement, je pense que je n’ai toujours pas trouvé un style que l’on pourrait m’attribuer, une patte en quelque sorte ou en quelques secondes je serai identifié, et c’est d’ailleurs là une grande source de frustration. Mais est-ce forcement nécessaire pour exercer ce métier ? Savoir s’adapter à la demande que l’on nous soumet n’est-il pas suffisant pour performer ? Un artisan, voilà un adjectif qui me sied davantage. Un artisan parfois copiste mais toujours à l’écoute des tendances et des clients ainsi que de leurs besoins. Copiste car il y a souvent des styles, des paradigmes que l’on peut appliquer et qui rempliront aisément la mission attendue. Appliquer une technique à un besoin et ne pas imposer forcément son style, ne pas déformer un propos, un besoin pour satisfaire ses envies artistiques. Je n’ai pas forcément de style mais je le cherche toujours en continuant de m’interroger.

Quand Internet c’était le chien Lycos

C’est dans la technique de l’image que je me sentis finalement le plus à l’aise. Comment réaliser une composition riche, une mise en page soignée, une interface graphique pratique, et surtout comment intégrer tout cela techniquement ? En 1999 je réalisais mes premières pages web et le défi que représentait l’intégration de mise en page et styles parfois complexe tout en contournant les limitations des navigateurs m’a tout de suite passionné. À ce moment le web c’était le truc où il fallait en être. Des dizaines d’agences de communication avaient flairé le filon et essayaient sans relâche d’appliquer ce qu’elles pratiquaient dans le ‘print’, en forçant un site web à n’être finalement que la version numérique de la plaquette papier. Recycler les travaux déjà effectués pour leurs clients et transposer le tout en ligne à grand renfort de tarifs exorbitants sur l’hébergement. Pendant des années cela n’apporta aucune valeur aux entreprises qui se devaient à tout prix d’avoir une présence sur ‘la toile’. Il fallait être le premier à réserver son nom de domaine. J’ai contribué à cela avec une tonne de créations sans intérêt. Beaucoup d’énergie perdue et plusieurs dizaines de sites vitrines plus tard, un éclatement de la bulle Internet, le bug (arnaque) de l’an 2000 et les évènements de 2001 aidant nous firent redescendre brutalement. Il s’agissait de se ressaisir, et proposer quelque chose de plus, d’aller plus loin. De changer de positionnement.

Après la première bulle Internet

Changer de positionnement et d’attitude en cassant des clivages qui apparaissaient dans beaucoup d’agences entre les créatifs et les développeurs. Deux camps où chacun s’arrêtait à son domaine avec pour résultat une qualité de production plus que moyenne. Souvenez-vous des sites web des années 2000 pour certains c’était traumatisant de laideur et d’inefficacité. Bien évidemment nous avions des limitations techniques mais bien souvent la qualité des projets était le reflet de ces clivages entre les designers, les développeurs mais également et plus globalement entre les commerciaux et les équipes techniques. Je ne suis pas développeur, technicien réseau, ni commercial mais en mettant les mains dans le cambouis, en m’intéressant à leur travail j’ai pu comprendre les difficultés auxquelles ils faisaient face. C’était ça la suite, ça le futur, la pluridisciplinarité et la collaboration. Il fallait apprendre à travailler ensemble au sein d’une équipe, la conception logicielle n’était pas une succession d’étapes comme sur une chaine d’assemblage d’usine. Mais une composition organique où chacun se devait d’avoir conscience du travail de l’autre.

Des pixels libres

J’ai mis un peu entre parenthèses le design pendant deux ans en me focalisant plutôt sur l’apprentissage des bases en programmation et le fonctionnement de système type UNIX et GNU/Linux était le système d’exploitation idéal pour cela. Ce fut une véritable redécouverte de l’informatique et à l’occasion de soirées organisées par le Linux User Group de Strasbourg j’ai pu rencontrer des gens tout simplement géniaux pour lesquels j’avais envie de fournir du graphisme et cela en accord avec la philosophie du logiciel libre. Ce ne fut pas une mince affaire. Dans le métier, tout le monde ne jugerait que par Adobe ou Autodesk et honnêtement c’était compréhensible, mais les bases étaient là avec des logiciels comme The GIMP, Inkscape et Blender on avait là tout ce qu’il fallait pour avoir un début de chaine de production graphique, avec ses lacunes certes (notamment pour le print), mais les choses avançaient vite et en faire partie, voir les changements de l’intérieur c’était grisant. De plus nous étions peu nombreux à s’aventurer sur ce chemin. Mon intérêt pour ces sujets et le fait d’être touche-à-tout me donnaient un avantage. J’allais très rapidement être impliqué dans des projets très divers mettant en pratique ce savoir fraichement acquis.

Essayer d’autres approches !

Calaos allait être le projet idéal pour avancer dans cette direction et proposer aux développeurs de cette application domotique (fonctionnant sous un système embarqué type GNU/Linux), un service de design et de conception d’interfaces entièrement ‘’libre’’. C’est-à-dire qu’en plus de participer au développement et d’en comprendre les contraintes j’allais intégrer pour la première fois un design dans une l’application complexe et j’allais également fournir tous les fichiers sources de l’opération. Encore un comportement aux antipodes des pratiques des agences de communication pensant pouvoir garder leurs clients captifs en gardant les sources de ce pour quoi les clients payaient. Je ne pouvais le comprendre, et cette philosophie du ‘’Libre’’ m’allait parfaitement. Je proposais à présent mes prestations en facturant par le biais du portage salarial et mon client pouvait disposer de toute ma production en continuant sur la même esthétique et à l’aide des fichiers sources dans le cas ou notre collaboration devait s’arrêter. J’étais libre, mais eux également.

Savoir faire d’autres choses

Après cette expérience je n’étais plus seulement un graphiste, un designer ou un développeur mais un peu de tout cela. Je n’ai jamais aimé les cases et ne pas être coincé dans l’une d’entre elles était vital car ce qui me motivait alors c’était la réalisation des projets dans leur globalité et pour cela s’il le fallait, j’allais porter plusieurs casquettes.

Ou pas !

Par la suite et après quelques années passées entre portage salarial et auto-entrepreneuriat j’ai eu l’opportunité de travailler dans le jeu vidéo. Un passage rapide une période des plus difficiles. Car j’ai toujours eu envie de participer à la conception d’un jeu, et cela depuis mon enfance, mais je suis tombé dans le piège qu’est celui de se forger une image d’Épinal de ce métier ou tout serait fantastique. De plus j’étais simplement pas bon et pas à ma place. Un rendez-vous manqué que je regrette.

Novelys et la rencontre d’une équipe

Venait donc le temps du retour sur le web, le web 2.0 ! Avec une aventure pour le coup pas moins mouvementé, bien au contraire ! Ce fut riche en enseignements et intense émotionnellement. Chez Novelys, il y avait cette ambiance, ce groupe d’individus qui dans les crises et les moments difficiles savaient être soudés. Je suis très fier de ce que nous avons appris tous ensemble, et les projets que nous avons livrés dans des temps et des budgets plus que limités. Des startups venaient nous voir avec une idée et nous les accompagnions dans la recherche et l’implémentation de celle-ci, nous étions une part importante de leur aventure d’entrepreneur. C’était une collaboration plus qu’une prestation, un dialogue plus qu’une simple commande. Nous faisions table rase à chaque projet et personne ne savait réellement ce que cela allait donner, ni nous ni nos clients. La pluridisciplinarité allait encore m’aider, car chez Novelys nous n’hésitions jamais très longtemps avant de proposer une nouvelle technologie ou une nouvelle méthode de travail à nos clients. S’avoir s’adapter sur ce terrain meuble qu’est le web tendance et ses technologies récentes était notre quotidien.

Les dangers de la stabilité

À la fin de cette période fructueuse j’ai pu encore une fois changer de perspective. En faisant le choix d’une plus grande stabilité en intégrant une grande entreprise, l’opposé du spectre donc. C’était le moment de se poser ! Je suis toujours dans cette dynamique ou plutôt cette non-dynamique car le confort est pervers, il engourdit, il nous fait inexorablement nous détacher de cette envie d’en faire toujours plus. Les grands groupes ont cette formidable réserve de moyens et de collaborateurs qui en théorie permettrait tant mais du fait de leur structure hiérarchique pyramidale nécessaire à la gestion de plusieurs milliers de salariés, sclérose toute tentative d’innovation. Heureusement pour moi je travaille dans une branche innovante de cette structure et malgré le fait que toute action prend un temps qui me semble infini les choses avancent et les sujets sur lesquels j’interviens sont intéressants. Alors on est loin du petit projet indépendant qui boucle une itération complète en une semaine mais les centres d’intérêt sont ailleurs. Un peu comme dans X-Files. :) C’est le moment pour moi d’apprendre d’autres choses notamment la gestion d’équipe et la construction de stratégies à plus long terme. Essayer de faire adopter des méthodes qui ont fonctionné auparavant pour moi ou les équipes dont je faisais partie. Il y a des jours où c’est parfaitement frustrant car pendant ce temps, ce qui me semble réellement important n’avance plus. Je ne design que très rarement, mon travail, quand il est question de conception, est plus porté sur de la structure d’information dans des systèmes métier lourds. Cette stabilité a un coût, celui d’émousser cette énergie créatrice. Pas évident de tout concilier.

C’est quoi la suite ?

J’en sais strictement rien, c’est 20 premières années montrent finalement que rien n’est impossible. Mais je n’en sais pas pour autant plus sur mon avenir professionnel. Parfois l’idée de tout recommencer et me lancer à nouveau dans l’entrepreneuriat me traverse l’esprit. Le quoi, où, quand, comment reste à découvrir.


Pour finir

Merci à ceux qui ont eu le courage d’arriver au terme de ce post et de toutes ces élucubrations merci à ceux qui m’ont aidé et ceux qui m’aident toujours encore. S’il y a une chose que je souhaitais démontrer c’est que malgré un mauvais départ et peu de chances de pouvoir prétendre à quoi que ce soit si l’on s’accroche, que l’on occulte tout sauf son objectif on peut changer le cours des choses. Cela implique d’avoir une dose de chance mais là aussi, elle peut se provoquer. Cela implique également beaucoup de travail dix ans pour ma part avant de pouvoir vivre correctement de mon travail j’ai d’ailleurs récemment ajouté une nouvelle page sur ce blog, vous y trouverez une liste exhaustive de tous les projets qui ont parsemé ce chemin. D’autres projets sont à venir notamment un prototype de jeu 8 bits sur une console virtuelle. Mais aussi plus de détails sur mes travaux en cours chez Travelport si j’arrive à obtenir les autorisations pour en parler. Je souhaite enfin revenir sur certaines réalisations plus en détail avec des articles qui leur seront dédiés. En route pour les 20 prochaines années…